« L’histoire est une
lanterne que l’on porte dans le dos ; elle éclaire le chemin parcouru, jamais
celui ne qui reste à faire. » – Proverbe chinois
La Côte d’Ivoire,
belle terre d’hospitalité et d’espérance, porte encore les stigmates d’une
décennie de crise politico-militaire. De 2002 à 2011, puis à nouveau en 2020 et
2021, le pays a vécu des heures sombres, marquées par la fracture nationale, le
bruit des bottes, le fracas des armes, et surtout, les larmes des mères. La
guerre civile post-électorale de 2010, dont le bilan officiel fait état de plus
de trois mille morts, a définitivement ancré dans les mémoires un sentiment
diffus de peur et de lassitude.
Aujourd’hui, alors que nous approchons d’une nouvelle élection présidentielle, l’atmosphère est de nouveau chargée d’électricité. Les formations politiques majeures se livrent à un bras de fer idéologique sans concession. Accusations mutuelles, discours incendiaires, clivages ethno-politiques ravivés… La paix semble encore fragile, comme posée sur un fil.
Dans ce contexte tendu, une question interpelle : où sont les jeunes ? Pourquoi, alors qu’ils représentent plus de 70 % de la population, leur voix politique semble-t-elle si étouffée ?
Désintéressement ou instinct de survie ?
À première vue, la jeunesse ivoirienne semble désengagée. Beaucoup se détournent des urnes, ignorent les débats publics, et affichent un détachement presque cynique face aux querelles de partis. On parle de "jeunesse apolitique", ou pire, de "génération sacrifiée". Mais à bien y regarder, ce désintérêt apparent cache souvent une méfiance profonde, construite sur des traumatismes collectifs. Car une génération qui a vu le sang couler pour des bulletins de vote ne regarde plus une urne avec naïveté.
En effet, cette jeunesse a grandi avec l’idée que la politique divise, qu’elle rend les voisins ennemis, qu’elle transforme les promesses en cendres. Elle a vu des leaders trahir leurs paroles, des campagnes tourner à l’affrontement, des rêves de changement sombrer dans les calculs d’intérêts. Il est donc faux de dire que les jeunes ne s’intéressent pas à la politique. Ils la scrutent, la commentent, la critiquent… mais de loin, et souvent avec méfiance.
La tentation de
l’extrême ou du retrait total
Cette situation n’est pas sans danger. Une jeunesse exclue ou désabusée devient une proie facile pour les extrémismes : violence politique, discours radicaux, replis identitaires… Ou alors, elle choisit le silence, l’exil ou l’indifférence, laissant le champ libre à des élites parfois déconnectées de ses réalités. Quand les jeunes désertent la politique, ce sont les démagogues qui s’en emparent. Le retrait des jeunes crée forcément un vide, or la nature a horreur du vide. Et dans ce vide laissé par l'espérance trahie, s’installe un pouvoir sans vision, nourri de peur et de manipulation, loin des aspirations réelles du peuple.
Il est temps de renverser cette tendance. La jeunesse ne doit plus être l’instrument de la politique des autres ; elle doit devenir actrice de sa propre destinée. Mais pour cela, il faut changer la nature même de notre vie politique. La politique ne doit plus être perçue comme un théâtre de confrontations, mais comme un espace de construction collective. Il nous faut des partis plus ouverts, des discours plus inclusifs, des leaders plus crédibles.
La jeunesse ivoirienne est créative, connectée, ambitieuse. Elle veut des solutions, pas des slogans. Elle veut parler d’emploi, d’éducation, d’environnement, de numérique, d’Intelligence artificielle … pas d’alliances contre nature ou de querelles superflues. Il est donc du devoir des leaders actuels de tendre la main, d’écouter, de former, d’intégrer les jeunes autrement que comme militants manipulés ou figurants d’une campagne.
À la veille d’une élection cruciale, le vrai défi est de réconcilier la jeunesse avec la politique. Non pas en la séduisant avec des promesses creuses, mais en lui offrant des raisons de croire, d’agir, de construire. Car une nation sans jeunesse engagée est une nation sans futur. Il est temps de semer dans les cœurs jeunes non pas la peur du chaos, mais la passion de la citoyenneté. Car le plus grand risque, ce n’est pas que les jeunes se détournent de la politique, mais qu’ils cessent de croire à l’avenir.
Par MÉMOUAR D.
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