Lorsqu’un Nordiste
ivoirien ou un locuteur dioula désigne les peuples de la Basse Côte d’Ivoire
par le terme boussoumani, ce n’est ni un rejet ni un mépris. C’est une trace
linguistique, un héritage des chemins croisés, un mot qui a voyagé autant que
les hommes. Ce terme, loin d’être une insulte, est le fruit d’une rencontre :
celle de l’anglais bushman, sans doute transmis par les arabes, et du souffle
vivant du dioula, langue de marché, de carrefour, de brassage. Dire
boussoumani, c’est aussi évoquer la forêt dense des zones forestières de la
Cote d’Ivoire.
Langue en mouvement, presque créole avant l’heure, le dioula emprunte, adapte, et fait sien tout ce qu’il touche. Mangoro (de mango) et lemourou (de lemon) en sont de jolis exemples, fruits de bouche et de langue, introduits par les marchands arabes au gré des routes commerciales. Chaque mot est une trace, une empreinte de l’histoire. À travers boussoumani, c’est tout un patrimoine qui s’exprime : celui d’une Côte d’Ivoire tissée d’échanges, de respect tacite et de langues vivantes.
Dans ce grand pays tissé de langues, de peuples et de mémoires partagées, il est temps de réapprendre à entendre les mots avec le cœur autant qu’avec l’histoire. Le mot boussoumani, comme tant d’autres, ne doit pas devenir l’otage des interprétations blessantes, mais le témoin vivant d’un métissage linguistique qui nous unit plus qu’il ne nous sépare.
À ceux qui voudraient dresser des murs autour des mots, opposer les peuples ou figer l’identité dans l’exclusion, nous opposons la richesse du dialogue, l’élégance de la nuance et l’espoir d’un vivre-ensemble apaisé. Car le fanatisme linguistique n’a jamais bâti de nation, là où la compréhension constructive fait germer l’hospitalité et la fraternité. La Côte d’Ivoire se raconte mieux quand chaque voix y trouve son écho.
La raison est Hélène, l’émotion est nègre, mais l’humour et le vivre-ensemble sont foncièrement Ivoiriens : là où les cœurs rient ensemble, les peuples se comprennent.
MEMOUAR D.
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